METHODOLOGIE DE DISSERTATION





Une dissertation est une réponse progressive, critique et cohérente à une question donnée.



Conseils généraux à appliquer durent tout l’exercice :


  • RELIRE LE SUJET EN PERMANENCE !
  • SE RELIRE SOI EN PERMANENCE !



Analyse du sujet 


  • S’empêcher de répondre immédiatement. L’enjeu n’est pas de répondre le plus vite possible, mais de bien comprendre la question pour être le plus pertinent possible dans sa réponse. Attention notamment à ne pas rabattre le sujet sur un sujet connu, ou reformuler inconsciemment le sujet (confondre par exemple « faut-il être libres pour être heureux ? » avec « sommes-nous libres ? ») : on traite alors un autre sujet, et on se retrouve sanctionné d’un « hors sujet ». 
  • Saisir les nuances d’un sujet. Les adverbes, les auxiliaires, les petites nuances de vocabulaire… tout ce qui passe pour un détail infime doit être pris en compte, car ce sont ces détails qui font la singularité et l’originalité d’un sujet. Prendre en compte ces inflexions est aussi important que bien connaître ses définitions et son cours, puisqu’en ne faisant que plaquer le cours et en ne saisissant pas l’originalité de la question, on traite un autre sujet, et donc… on se retrouve « hors sujet ».
  • Chercher le paradoxe contenu dans le sujet. Il est contenu dans une contradiction entre deux termes propres au sujet. Grâce à lui, on va  pouvoir sentir une tension, un balancement possible entre deux options. La dissertation est terne si l’on ne se sent pas obligé de basculer d’un côté ou de l’autre. Le paradoxe naît généralement d’une ambiguïté sur le sens des mots. C’est pour cette raison qu’il est impératif de les préciser.
  • Deviner le préjugé correspondant au sujet. Il faut se mettre dans la peau de l’homme de tous les jours, pour d’une part imaginer la réponse qui lui paraît évidente, mais surtout critiquer cette fausse évidence. Une bonne dissertation critique ce préjugé, une dissertation subtile trouve à la fin des raisons plus profondes de le défendre.
  • Préparer plusieurs définitions pour chaque terme. Les significations vont nécessairement varier durant la dissertation, car votre travail consiste justement à préciser de mieux en mieux le sujet et les réponses qu’on va y apporter. Une dissertation est une série d’éliminations de définitions et d’hypothèses, la dernière restante sera votre réponse.



Elaboration du plan


  • Faire un plan en trois parties est obligatoire. Deux parties sont le signe d’une copie faible, quatre parties est trop compliqué, et une partie absolument impossible.
  • Ne surtout pas faire de plan « 1) une thèse 2) son contraire 3) ça dépend ». Un plan est d’abord une progression : on doit aller du moins convaincant au plus convaincant. La deuxième partie doit avoir raison contre la première et la dernière doit avoir raison sur toutes les autres. Il ne faut surtout pas saborder son devoir en revenant à une position antérieure, car ce serait, si ce n’est une auto-réfutation, en tout cas un aveu de faiblesse.



Introduction


  1. PREMIER PARAGRAPHE : Accroche (optionnel). On entre dans le sujet par une remarque précise, une citation littéraire, un fait historique… en lien avec le sujet. On écrit la question du sujet à la fin de l’accroche.
  2. exposition de l’hypothèse 1 (hypothèse la plus commune sur le sujet) « on serait tenté de répondre en faisant l’hypothèse que… »
  3. DEUXIEME PARAGRAPHE  : exposition l’hypothèse 2 qui contredit l’hypothèse 1 (soit parce que l’hypothèse 1 manque de précision, soit parce qu’elle contient un présupposé ou un préjugé simplificateur) « Mais d’un autre côté… »
  4. TROISIEME PARAGRAPHE : exposition de la problématique, sous la forme d’un dilemme qui résume les deux hypothèses en concurrence. La forme la plus simple (mais la moins élégante) est une question du type « est-ce que (hyp1) ou est-ce que (hyp2) ? »
  5. Esquisse de la troisième partie, qui naît du rejet d’un postulat commun entre l’hypothèse 1 et 2. Sous la forme « Mais on pourrait aussi dire que contrairement à ce qu’on supposait au départ… »
  6. QUATRIEME PARAGRAPHE : annonce du plan (c’est redondant, mais au moins c’est clair).



Développement


  1. PREMIER PARAGRAPHE : on expose la thèse défendue dans cette partie au tout début de la partie.
  2. PLUSIEURS PARAGRAPHES : On argumente cette thèse, c’est-à-dire qu’on expose les raisons qui nous permettent de penser que cette affirmation est juste. Les arguments rappellent les définitions utiles, le raisonnement qui lie les différentes notions ensemble, et une illustration pour montrer que votre raisonnement peut être concret. Et dans un second temps, on montre les limites de cette thèse.
  3. DERNIER PARAGRAPHE : ce qui conduit à introduire la transition nécessaire pour passer à un nouveau questionnement et à une nouvelle thèse. La transition doit faire prendre conscience qu’on a rencontré un problème et qu’on doit l’éluder dans une nouvelle partie.
  4. Et… On saute une ligne (la forme du texte permet de montrer au correcteur qu’on sait distinguer et organiser son texte, plutôt que d’écrire un seul bloc de texte, sans lien ni articulation logique)



Conclusion


  1. UN SEUL PARAGRAPHE : On répond à la question qu’on s’est posée de la façon la plus claire et la plus directe.
  2. On résume ses arguments en montrant si possible l’originalité de sa réponse.
  3. On qualifie sa réponse : elle peut être « classique », « vraiment originale », « dangereuse », ou très « conforme aux opinions reçues sur le sujet », « ingénieuse et subtile » ou au contraire « très lourde théoriquement » (puisqu’on a fait appel à beaucoup de grandes idées)  ; et on précise son prix ou son coût : est-elle facile à concevoir, seulement réservée aux esprits les plus actifs, va-t-elle dans le sens de la philosophie ou se propose-t-elle de rester en contact avec l’authenticité d’une expérience universelle de la vie… ? Plutôt que d’ouvrir, cette dernière partie sert à positionner sa réponse au sein du champ des autres réponses possibles.




Conseils d’écriture


  • Tâcher de n’être ni trop général (où l’on ne fait que parler avec des grands concepts imprécis) ni trop anecdotique (où l’on se contenterait de son ressenti personnel, son expérience personnel etc.). Le style et la clarté sont des prérogatives.
  • On doit s’inspirer des textes et des auteurs pour argumenter. Mais ils ne valent pas en eux-mêmes comme preuves. Ils ne sont que des « boîtes à outils » très pratiques et non des vérités indiscutables ou indiscutées. Ce qui veut dire aussi qu’une explication de chaque citation est obligatoire. C’est vous qui justifiez le recours à l’auteur et non l’inverse. Il vaut mieux dire « Aristote a raison de dire ça parce que… » plutôt que « c’est comme ça parce qu’Aristote l’a dit… »
  • Maîtriser le vocabulaire technique. Il faut qu’on sache quand on fait une description, une critique (interne ou externe), une analyse, une déduction (après avoir poser des principes généraux, on en déduit un cas particulier), une induction (ou généralisation), une énumération de faits évidents et forts, ou si on cite des contre-exemples. Non seulement vous montrerez vos connaissances de façon pertinente, mais vous injecterez ainsi un vocabulaire un peu moins gris dans le corps de votre dissertation.
  • Ne jamais oublier de donner des exemples. Ils garantissent une correspondance entre votre discours et la réalité. Si vous vous sentez incapable de le faire, c’est que vous êtes resté trop général, auquel cas, vous êtes en train de traiter le sujet sans problématique, un peu dans le vide, sans éclairage particulier. N’oubliez pas également qu’un seul contre-exemple suffit à invalider une proposition générale, alors qu’une infinité d’exemples ne prouvera jamais une proposition générale. Les exemples ne remplacent donc pas un raisonnement approfondi.
  • Le signe d’une dissertation réussie est non seulement d’être épuisé, mais d’avoir la sensation d’épuiser le sens des mots et des concepts. Bref, en regardant son travail, tout doit vous paraître désormais plus complexe, divisé en milliers de rubriques reliées les unes aux autres. Vous devez penser avoir fait le tour de la question, et avoir la sensation que la réponse s’est imposée à vous, plutôt que d’avoir flotter librement à la recherche d’une réponse par dépit. 



Paroles de correcteurs


« Une bonne copie de philosophie est avant tout une copie qui traite le sujet, qui pose clairement une problématique et qui est construite, c'est-à-dire qui comporte des transitions et qui "argumente", qui justifie ses idées, ce que beaucoup d'élèves ne s'efforcent pas de faire. (...) Ensuite, c'est une copie informée, autrement dit, qui convoque des références, de façon explicite ou non, à des auteurs ou, en tout cas , qui montre que quelques contenus du cours ont été engrangés pendant l'année. Et puis enfin c'est une copie sans trop de fautes d'orthographe et de grammaire. »

« Le candidat doit montrer au correcteur qu'il a affronté un problème. (...) Ce que j'attends d'une copie, c'est qu'elle me montre l'effort qui a été fait par le candidat pour reconnaître le problème posé dans cette question et l'affronter. Or affronter un problème cela ne signifie pas répondre par oui ou par non à la question formulée par le sujet: cela veut dire construire un discours ordonné, utilisant des transitions entre les différents arguments avancés pour analyser et interroger le sujet. »


« Les élèves ne trouvent pas le juste milieu entre deux attitudes: ne pas du tout utiliser leur cours et le réciter religieusement en juxtaposant leur laïus sur Platon, Descartes et Kant, sans mettre la pensée de ces auteurs en perspective avec le problème précis qui leur est posé ce jour-là. Ils ne voient pas comment intégrer les réflexions extérieures - celles des philosophes - à leur réflexion propre. L'autre écueil à éviter est celui qui consiste à tirer tous ses exemples de son expérience personnelle. (...) La philosophie n'est pas un exercice de narcissisme. Il ne s'agit pas de produire un discours qui porte sur le vécu personnel. »


Propos recueillis dans le numéro 10 de Philosophie magazine, juin 2007.






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